LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL ET LA PROSPECTIVE

ARTICLE

L’approche du développement régional jumelée à celle de la prospective assure un présent dynamique et un futur prospère.

Introduction

Le développement des régions est important afin de leur assurer un présent dynamique et un futur prospère. Généralement, le développement équilibré des régions est recherché afin que l’une ne se développe pas au détriment d’une autre ou des autres, mais ce genre d’équilibre est difficile à atteindre compte tenu du dynamisme de l’environnement politique, économique et global aussi. La question de la compétitivité entre les régions peut créer un déséquilibre. L’économie, contrairement à ce que l’on soutient dans la thèse classique n’a pas pour objectif d’être en équilibre, elle est dynamique avec des oscillations généralement stables. Les régions font face à de grandes questions comme celles de la migration de la population vers les grands centres, la dénatalité, une économie en transition suite à la perte d’industries phares déplacées ou éliminées par la globalisation. Le dynamisme économique des régions est important puisque après tout, l’économie d’un pays, d’un état ou d’une province est en fait l’aggrégation des activités et du dynamisme économique local.

Créer et maintenir ce dynamisme dans le présent et le futur

La question du développement régional se repose d’abord et avant tout sur la logique de la géographie et de la géologie du succès, comme la présence d’un cours d’eau, des terres fertiles, des ressources naturelles à exploiter. L’alliage de l’innovation à l’entrepre-neuriat, qui est apparu lentement depuis le début de la révolution industrielle en s’accélérant au début du 20e siècle, est devenue la formule à succès par défaut. Aujourd’hui cette accélération est telle que le rythme de l’innovation crée une impression que le futur s’est substitué au présent et que cette innovation n’est plus additive autant qu’elle est disruptive

Le développement régional par l’innovation

Le développement régional dans sa version traditionnelle décrit les activités de développement d’une région ou localité en attirant des industries afin de créer des emplois et procurer des emplois. Le type de développement régional d’aujourd’hui sous-entend la création d’un écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat. Cette approche date du début du 20e siècle. En effet, en 1905, Harris Ryan de la Stanford University inaugure un modèle coopératif entre l’université et l’industrie. En 1925, Frederick Terman de même Stanford encourage les étudiants à démarrer des entreprises. Ces initiatives sont à la base de ce déversement des activités de la Recherche et Développement universitaire vers le secteur privé.

Les modèles américains et anglais

i. La Révolution Métropolitaine

Si le développement régional ou la considération des perspectives régionales devrait prendre un autre nom, c’est bien celle de la révolution métropolitaine dont les efforts sont basés sur la force de l’écosystème, celui-là même qui a assuré la domination de la Sillicon Valley. La révolution métropolitaine est un mouvement par lequel les réseaux de dirigeants métropolitains, de maires, de chefs d’entreprise et de dirigeants syndicaux, d’éducateurs et de philanthropes se mobilisent et font avancer la nation. Ces dirigeants des États et localités travaillent ensemble pour créer plus d’emplois et rendre leurs communautés plus prospères. The Metropolitan Revolution: How Cities and Metros Are Fixing Our Broken Politics and Fragile Economy par Bruce Katz et Jennifer Bradley, Brookings Institution Press; 1st edition (June 11 2013 ) constitue l’ouvrage de référence à cet effet.

ii. Les économies en transition – Beyond Silicon Valley

Développée par Michael E. Goldberg, un investisseur en capital de risque et professeur adjoint en entrepreneuriat au département de design et d’innovation de la Weatherhead School of Management de la Case Western Reserve University. Elle propose les concepts clés suivants :

  • Rôle du gouvernement
  • Rôle des donateurs
  • Rôle des organisations intermédiaires (ONG)
  • Tirer parti des institutions d’ancrage
  • Accès au capital/Mentorat :
  • Accélérateurs de semences
  • Investissement providentiel
  • Capital de risque

iii. La promotion de l’entrepreneuriat

En 2009, Goldman Sachs lance son des 10,000 Small Businesses Program. Ce programme a été lancé en 2009 et est basé sur un programme conçu par Babson College, l’école d’entrepreneuriat la mieux classée au pays. Il propose aussi sa forme d’écosystème entrepreneurial.

iv. La création d’un avantage régional

La raison pour laquelle la Silicon Valley s’est retrouvée dans une position dominante est simple : le pôle de l’Est est constitué principalement de grandes sociétés qui ont un système fermé qui ne permet pas l’échange informel de bons procédés. Celui de l’Ouest offre une culture ouverte caractérisée par une communication ouverte entre les entrepreneurs leur permettant de partager leurs problèmes et solutions. Cette culture d’ouverture, d’entraide et de partage attire les scientifiques, programmeurs et technologistes de l’Est. L’auteure Anna Lee Saxenian en fait une excellent description dans son livre Regional Advantage: Culture and Competition in Silicon Valley and Route 128.

Dans son livre Regional Advantage: Culture and Competition in Silicon Valley and Route 128, With a New Preface by the Author 50525th Edition, Anna Lee Saxenian décrit comment l’attitude ouverte de la Silicon Valley l’a hissé au 1er rang des régions représentant les avantages les plus recherchés pour une région, ces avantages sont :

  1. Le capital intellectuel – universités
  2. Le capital financier – les grandes entreprises, les sociétés de capital de risque
  3. La structure légale
  4. La culture de l’échec rapide
  5. L’immigration compétente (STEM).

Cet avantage régional a l’effet pervers d’attirer les entreprises à succès développées dans une région vers une autre plus avantageuse comme la Silicon Valley par exemple.

Fait intéressant

La Californie a un PNB de $3.9 trillions (2023) soit 60% du PNB du Japon (2023) qui s’éleve à  6.572 trillions. Sa population est de près de 39 millions soit 32% de celle du Japon qui s’élève à près de 124 millions. 

L’approche anglaise (U.K.) des Stratégies Industrielles Locales

Enfin, afin de stimuler la productivité, la capacité de gain et la compétitivité. Le gouvernement britanique publie un livre blanc en novembre 2017, afin de stimuler des localités en identifiant « les priorités pour améliorer les compétences, accroître l’innovation et améliorer les infrastructures et la croissance des entreprises. Les trois régions pionnières sélectionnées furent – le Grand Manchester, le corridor Oxford-Milton Keynes-Cambridge et les West Midlands – pour co-concevoir et développer les premières stratégies industrielles locales (SIL).

La courte histoire du capital de risque

Le modèle de coopération entre les universités et les entreprises est le modèle qui donnera éventuellement naissance à l’industrie du capital de risques. Les premiers efforts de financement sont comblés par le capital privé des nouveaux riches comme les Phipps (acier) et Rockerfeller (pétrole) dans le but précis de trouver et formaliser des investissements dans des secteurs nouveaux et émergents.

En 1946, Jock Whitney a créé la J.H. Whitney Company et en embauchant Benno Schmidt comme premier associé, ce dernier a transformé la description du capital privé utilisée par Whitney  en « capital-risque ». Dans cette même année (1946), George Doriot fonde ce qui est considéré comme la première société de capital-risque, l’American Research & Development (ARD). Professeur à la Harvard Business School et pionnier de l’entrepreneuriat. L’ADR lève des fonds auprès de sociétés d’investissement, de fonds communs de placement, de compagnies d’assurance et d’universités.

En 1959, le général William Draper, Rowan Gaither (fondateur de la RAND corporation) et Fred Anderson (général retraité de la Air Force) ont fondé Draper, Gaither et Anderson, possiblement la premi;re firme de capital de risque sous le forme d’une société en commandite.

En 1961, Arthur Rock, un analyste financier et investisseur de New York déménage en Californie afin d’établir Davis and Rock, la première firme de capital de risque dans la Bay Area.

Les 2 pôles de l’innovation

Déjà dans l’après-guerre, deux pôles d’innovation se démarquent, celui de la MIT éventuellement appelé La Route 128 autour de Boston et l’autre qui s’est mobilisé dans la Silicon Valley. Contrairement à la croyance populaire, les premières sociétés de capital de risque sont apparues dans l’Est pour ensuite migrer vers l’Ouest pour la simple raison que l’activité d’innovation dans l’Est est conduite par de grandes sociétés qui sont essentiellement des systèmes fermés tandis que dans l’ouest, c’est un système ouvert où les entrepreneurss se parlent, échangent des idées, et des solutions. Cet esprit ou système ouvert attire davantage que le système froid et fermé de l’Est. On dit aujourd’hui que le succès d’une technologie dépend beaucoup de son réseau, ce qui était le cas dans la Silicon Valley.

L’une des ironies de la Silicon Valley est que les deux entreprises qui ont donné naissance à l’ensemble de son industrie des semi-conducteurs n’ont pas été financées par du capital-risque. Au lieu de cela, en 1956/57, Shockley Semiconductor Laboratory et Fairchild Semiconductor ont tous deux été financés par des partenaires commerciaux.

La prospective territoriale

La prospective territoriale est une approche méthodologique très riche et pertinente pour anticiper ce que sera le demain d’un territoire, d’une localité, d’un village ou d’une ville. La mise en place d’une prospective territoriale permettrait d’élaborer collectivement des scénarios d’évolution tout en cherchant comment aller dans la direction souhaitée (Vanier, Dubeuf, 2022) en se basant sur des valeurs humanistes.

La contribution de la prospective est double : elle fournit des informations stratégiques pour la prise de décision, et elle fonctionne comme un outil de mobilisation socio-économique pour sensibiliser et créer un consensus sur des moyens prometteurs pour exploiter les opportunités et réduire les risques associés aux nouveaux développements. La prospective se place hiérarchiquement au dessus de la planification (extrapolation ou projection du pésent).

La prospective régionale, son importance et son intégration

Bien que la prospective offre aussi cette possibilité pour les entrepreneurs de détecter des innovations, elle offre la particularité de l’exploration du long terme. Elle permet, dans son approche participative, d’aller au-delà des considérations purement commerciales en consédérant les aspects sociaux, l’environnement et surtout de considérer un futur davantage nouveau qu’un futur un peu copié ou collé, ou simplement trop inspiré ou retenu. C’est l’occasion idéale de se libérer des contraintes et d’avoir plus d’audace.

À prime abord, il y a ce préjugé à l’égard de la prospective territoriale, c’est quoi au juste, ça donne quoi au juste? Un autre reproche serait à l’effet que la prospective territoriale telle que proposée par Michel Godet est compliquée, trop technique et rigoureuse. Cette approche, tout en la respectant, peut être facilement simplifiée (par un.e prospectiviste compétent.e) tout en considérant l’importance des objectifs à articuler et tout en s’assurant qul’il y aura une appropriation (au sens de Godet) suivie de l’action “appropriée”.

 

Le meilleur des 2 mondes 

L’objectif ultime de la combinaison des approches et de bien défendre nos activités actuelles, de bien exploiter les opportunités émergeantes et afin de bien se préparer pour le futur en anticipant les risquespour non seulement se bâtir un systéme à son épreuve mais qui peut aussi en profiter (antifragilité). Les régions ont besoin de créer cet état de non seulement être prête pour le futur mais et d’en profiter mais aussi de se créer un futur qui aura pour effet de  lui procurer une avance et un avantage compétitif.

← Le connu (le présent et émergent) →

← L’inconnu (le futur) →

Conclusion

Malgré la séduction qu’opère la formule de développement par l’innovation et l’entrepreneuriat, on constate qu’on se retrouve dans cette même myopie quant au long terme. La prospective offre cette opportunité d’aller au-delà de cette mentalité du court terme, de cette habitude de projeter le connu ou familier dans le futur en fournissant d’excellentes méthodes et outils de travail afin de faire une bonne exploration et analyse des futurs, de ses risques et opportunités.

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